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L'île de TABARCA

De l'antique Tabarka en Tunisie à Nueva Tabarca en Espagne

par Henri SCOTTO DI VETTIMO

LA NUEVA TABARCA

L'île de Tabarca, aujourd'hui très fréquentée par de nombreux touristes pendant la période estivale, est une « Réserve Maritime ». Elle se situe à environ 2,5 milles au sud-est du Cap de Santa‑Pola, au large d'Alicante. Appelée aussi Ile Plane en référence à son aspect, sa longueur approximative est de 1800 m et sa largeur maximum de 400 m. Vue d'avion, elle fait penser à un huit dont le centre serait une étroite bande de terre.

Depuis son repeuplement en 1769-1770, elle est rattachée à la municipalité d'Alicante. Autrefois elle dépendait de la municipalité d'Elche.

Qui pourrait se douter que cette petite île d'aspect simple, possède un riche passé historique maritime lié à la méditerranée des côtes africaines et génoises. En 1769, elle ne comptait que 311 habitants, issus des bagnes d'Alger et surtout de l'antique Tabarka, dans la Régence de Tunis.

L'ANTIQUE TABARKA

En 1540, le pirate Dragut, naviguant dans les eaux corses, est attaqué par les galères génoises de la famille Doria, alliée des Espagnols. Fait prisonnier et assigné au service de la famille Lomelini, il obtient sa liberté en échange de la concession des riches bancs de coraux autour de l'Ile de Tabarka.

Cette île se situe près de l'embouchure de l'Oued-el-Kébir en Tunisie. Les Lomellini y installent des habitants originaires de Pegli et des alentours de Gênes pour exploiter la concession. La même année deux bateaux, transportant 50 personnes mettent le cap sur Tabarka. Le commerce du corail prospère, puis finit par décliner. L'île reste pourtant très convoitée.

En 1738, plusieurs groupes d'habitants émigrent en Sardaigne, sur l'île de San Pedro et fondent le bourg de Carloforte. Ce sont 156 familles, soit 515 personnes, qui quittent l'antique Tabarka. [Voir aussi : Les Tabarquins de Tunis (1741-1799) - Revue Tunisienne 1943]

Désirant récupérer l'île, le Bey de Tunis organise une expédition en 1741. La population réunie sur la place de la marine est désarmée, la bannière tunisienne remplace la bannière gênoise, l'église est saccagée. Huit cent quarante personnes sont conduites sur les galères et deviennent esclaves du Bey de Tunis. Quelque temps plus tard, en 1756, les captifs changent de maître et sont transférés à Alger. 

Les relations étant tendues entre les musulmans et les chrétiens, les tentatives de médiation pour récupérer les esclaves effectuées par l'Etat de Gênes et  de Sardaigne échouent. La situation va s'améliorer avec la signature entre l'Espagne de Charles III et le Maroc d'un traité de trêve et de commerce. C'est par l'intermédiaire d'Amet El Gacel, ambassadeur du Maroc en Espagne, puis à Alger, que les négociations vont avancer. Un traité d'échange d'esclaves est signé entre la régence d'Alger et les représentants du roi d'Espagne : le moine Fray Manuel Rozalen et l'ambassadeur El Gacel. Il est prévu d'échanger 1600 esclaves algériens détenus en Espagne contre le même nombre d'esclaves chrétiens détenus à Alger. Comme il n'y a pas assez d'esclaves espagnols à Alger, d'autres captifs chrétiens feront parti du lot d'échange. C'est ainsi que les esclaves de l'antique Tabarka vont être libérés.

Don José Diaz de Veanez est nommé commandant de l'expédition vers Alger. Trois navires, une frégate et d'autres bateaux étrangers sont nolisés. Pendant les échanges, une tempête contraint certains bateaux à  rebrousser chemin, mais déjà 859 captifs chrétiens sont à bord. Fin décembre 1768, ces captifs sont débarqués à Carthagène, mais aucun n'est de Tabarka. Pendant ce temps, sous la direction du Père Juan de la Virgen, les pères rédempteurs, restés sur place, s'activent pour les échanges et les rachats d'esclaves éparpillés et appartenant à  des particuliers.

C'est au cours de la deuxième expédition toujours commandée par José Diaz de Veanez que 315 Tabarquinos embarqués sur les navires San Vicente et San Teresa arriveront enfin à Carthagène au printemps 1769. Ces Tabarquinos libérés sont transférés à Alicante en mai 1769 où ils sont logés dans l'antique Résidence de la Compagnie de Jésus, avant leur installation sur l'île Plane de San Pablo.

INSTALLATION A NUEVA TABARCA

L'île Plane de San Pablo, reconnue "Nid de Pirates" au 18e siècle, est le lieu idéal pour un peuplement. Les anciens captifs, en majorité pêcheurs, y font souche. L'île est renommée Nueva Tabarca puis Tabarca en souvenir de l'antique Tabarka, la tunisienne. Pour la circonstance, un recensement détaillé est établi [Liste des rescapés de 1769]. 

Il était nécessaire de faire acte de présence sur cette île pour des raisons stratégiques. On nomma un ingénieur, Fernando Mendez pour faire construire des murailles et des fortifications qui protégeront le village aux rues rectilignes, le Palais du Gouverneur, la Mairie et sa place. Pour des nécessités religieuses on construisit un petit oratoire et la première pierre de l'église fut bénite en décembre 1770. Un petit port de pêche existe toujours dans la partie centrale la plus étroite de l'île.

 

Bibliographie: Vicente MARTINEZ MORELLA, Matricula de los Tabarquinos
José Luis GONZALEZ ARPIDE, Los Tabarquinos
Antonio BAILE,
Nueva Tabarca : Nido de Piratas

Publié le 1er mai 2007  [version espagnole ]


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